
Jean Rollin flirte rituellement avec cet esprit gothique, que nous allons tenter d'identifier avec une indispensable indulgence, car, du point de vue des attentes du public, ses films sont mauvais. Rollin ne s'en cache pas. Dans son autobiographie Moteur Couper ! Mémoires d'un cinéaste singulier (2008), il déclare tourner « en dehors des normes du professionnalisme dont je n'ai que faire » (p.218). Il ajoute : « je me considère, aujourd'hui encore, comme un amateur » (p.224). Rollin dit adhérer au « tournage improvisé entre amis, dans le style du « film d'amateur » (p.338)». Il reconnaît que ses films sont « bâclés », « une fois filmé, un plan ne m'intéresse plus et je passe à la suite, alors que souvent une seconde prise serait nécessaire. (...). En un mot, je ne suis pas du tout perfectionniste » (p.359) ; « je me refuse à tout perfectionnisme » (p.66). Puis il termine, de manière encore plus explicite : « Je n'ai jamais été un professionnel, et les professionnels ne m'ont jamais acceptés » (p.367). Si Rollin assume la médiocrité de ses films, il n'en va pas de même concernant leur érotisme, soi-disant imposé dès le premier film par le producteur américain Sam Selsky (p.51).
Rollin est un cinéaste égocentrique qui n'a jamais fait l'effort d'aller vers le public. Ses films sont des projections naïves et brouillonnes de ses rêves, notamment d'enfance. Son culot et son indépendance sont sans doute ses principales qualités. Heureusement pour le cinéma français, l'imagerie gothique faisait partie des rêves de Rollin.
